Inflation : Que peuvent faire les entreprises ?

Quelle est la responsabilité des entreprises ? Découvrez tous les conseils de Sandrine Dorbes

Contributors
Sandrine Dorbes
Fondatrice du cabinet How Much et experte en politique de rémunération
Fidélisation
7 minutes
Sommaire

Depuis l'été 2021, l'inflation est un sujet de conversation brûlant. En ce mois de décembre 2023 j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle : 

  • La bonne nouvelle : la hausse des prix en France ralentie pour le deuxième mois consécutif.
  • La mauvaise : elle est tout de même de 3,4% en novembre 2023 pour une inflation à 3,8% sur un an. On ralentit, mais pas assez vite…

Les économistes et les experts sont partagés sur les perspectives 2024. Certains pensent que la guerre de l’inflation est gagnée. Pour d'autres, on ne voit pas encore la lumière au bout du tunnel.

En attendant de savoir qui a raison, le climat social se tend lors des négociations en entreprise. Mais que peuvent faire les entreprises pour répondre au besoin des salariés qui voient leur pouvoir d’achat diminuer ? Voici quelques pistes de réflexion.

2023 une année historique

2023 a été une année record en matière d’augmentation de salaire. Le cabinet de conseil MERCER publiait il y a quelques mois des chiffres édifiants : 

  • En 2023 la médiane des augmentations générales était de 3% contre 1,1% en 2022
  • La médiane des augmentations individuelles est montée à 2% contre 1,4% en 2022

Comme toutes les statistiques, ce sont des chiffres qu’il faut manipuler avec précaution. Dire que la médiane est à 3% d'augmentation générale signifie qu'il y a autant d’entreprises qui ont fait plus que d’entreprises qui ont fait moins. Personnellement je ne suis pas sûre que ce chiffre prenne en compte les entreprises qui n'ont pas fait d’augmentation générale.

Autre fait remarquable en 2023 : les mesures de partage des bénéfices ont également atteint des records. 5.9 milliards d'euros auraient été distribués en 2023 (au titre de 2022) au sein du SBF 120 sous la forme de participation, de prime d'intéressement, d’abondement ou de prime de partage de la valeur. 

Enfin depuis le 1er janvier 2021, le smic a connu sept augmentations pour une hausse totale de 13,5 %.

2023 est une année qui restera dans les mémoires budgétaires. Difficile de passer après ça si le contexte global ne se détend pas.

2024 bis repetita ?

Nous venons de voir qu’en 2023 des mesures records ont été prises pour protéger le pouvoir d'achat des Français. Les dirigeants et les dirigeantes qui ont pu mettre en place des mesures et espéraient certainement que cette année reste exceptionnelle. Et pourtant…

Le contexte international ne s’améliore pas, au contraire. En cette fin d'année 2023 les mauvaises nouvelles s'accumulent. Les entreprises n’ont pas beaucoup de visibilité, et les particuliers voient les boucliers tarifaires tomber, les primes d'assurance augmenter et on se doute bien que même si l'inflation recule un peu on ne retrouvera pas les prix « d'avant ».

Certes le SMIC va être revalorisé de 1.7% au 1er janvier 2024. Cela va toucher 17.3% des salariés (un record là aussi). Mais au-delà de ça, la plupart des entreprises ne vont pas renouveler les efforts de 2023. Certaines ne peuvent tout simplement pas se le permettre.

Le 24 ne ressemblera pas à 2023. Mais alors que fait-on ?

Comment faire quand on ne peut rien faire ?

J’aime dire que la rémunération ce n'est pas qu'une question d'argent. C'est une façon de dire qu'il faut considérer la reconnaissance et les besoins globaux des salarié·e·s. Mais également qu'il faut penser la politique de rémunération au sens le plus large possible.

La rémunération c'est la contrepartie d'un travail fourni. C'est tout ce qui représente un coût pour l'entreprise et un gain pour les employé·e·s. Quand on présente les choses ainsi on voit qu’il est bien question de travailler sur le package global.

Quand on manque de visibilité et que l'on craint d'alourdir durablement sa masse salariale il y a des leviers que l'on peut utiliser pour renforcer sa politique de rémunération

2023 a été une très bonne année en matière de partage des bénéfices. Mais la plupart des dispositifs concernent les entreprises de plus de 50 salariés. La nouvelle loi sur le partage de la valeur va imposer à toutes les sociétés de plus de 11 personnes de mettre en place un dispositif dit de partage de la valeur dès le 1er janvier 2025. Si vous êtes concerné, je vous encourage vivement à anticiper les réflexions.

Mais attention : il ne suffit pas de mettre en place un intéressement pour mobiliser les foules. Pour qu’un système de partage des bénéfices soit efficace durablement il faut que les équipes comprennent son fonctionnement global. Rare sont les personnes capables d’expliquer concrètement les dispositifs mis en place dans leur entreprise, même au service ressources humaines. Il faut que les gens comprennent comment cela fonctionne et que les entreprises aient leur part dans la création de richesse. La pédagogie est de mise. 

Au-delà du salaire et des primes je conseille vivement de s'intéresser aux avantages sociaux. Les benefits, comme les appellent les anglo-saxons, renforcent l'attractivité de la marque employeur et jouent un rôle déterminant en matière de fidélisation des collaborateurs

Il y a ceux que vous avez déjà mis en place. Il est peut-être temps de renégocier votre contrat de mutuelle et de prévoyance pour proposer à vos salariés une formule adaptée. La mutuelle et la prévoyance sont deux sujets sur lesquels on ne communique pas assez. Longtemps on m'a dit que cela n'intéressait pas les gens, et récemment une dirigeante me disait que ses jeunes recrues de moins de 30 ans la challengeaient sur le niveau de couverture de la mutuelle. Je ne sais pas si c'est un épiphénomène ou une tendance de fond mais j'ai trouvé ça intéressant.

En complément des avantages que vous avez déjà et que vous pouvez peut-être optimiser, je vous encourage vivement à réfléchir à de nouvelles façons de soulager vos équipes et leur permettre de gagner en pouvoir d'achat. 

Pour trouver le bon avantage il faut être à l'écoute des besoins des équipes. Un exemple : les taux d'intérêt sont élevés et ne favorisent pas l'accès à la propriété. En conséquence, le marché des locations est complètement saturé. Le logement pèse lourd dans le budget des Français et c'est un sujet de préoccupation. Et si vous aidiez vos salariés sur ce plan-là ?

On peut citer en exemple RATP group qui a signé un nouvel accord avec Action Logement pour atteindre les 1.100 familles logées dès 2024. Dans le secteur de la finance des entreprises accompagnent leurs collaborateurs et leurs collaboratrices pour obtenir des taux d'intérêt préférentiels. 

À l'extrémité du spectre on peut citer la société de menuiserie FenêtréA qui a fait l'acquisition de quatre terrains en Bretagne pour construire une quarantaine de maisons qui seront accessibles en  priorité à ses employés.

À l'heure où de nombreuses entreprises réduisent le nombre de jours de télétravail possibles, j'ose à peine vous parler des économies d'essence et de la pénibilité à prendre les transports en commun dans des régions saturées comme l'Île-de-France. Je pose celle-là au cas où. Mais je continue de penser qu'il y a quelque chose à faire sur les économies d'essence.

Récemment un délégué syndical de Leroy Merlin évoquait le cas d'un collaborateur qui payait 300€ d'essence par mois pour venir au travail. C’est colossal. Au-delà du cas particulier, il y a peut-être quelque chose à faire ou à organiser comme la subvention d'une plateforme de covoiturage ou l'aménagement des horaires pour avoir à passer moins de temps dans les bouchons. Ce sont des idées en l'air mais je suis partante pour brainstormer !

Autre idée : travailler sur le bien-être financier des employé·e·s. En 2022, 47% des Français déclaraient être à découvert au moins une fois par an. Presque un Français sur deux. L'inflation laisse de moins en moins de marges de manœuvre et en cas d'imprévu certains foyers doivent avoir recours à leur découvert autorisé ou non. Au vu des frais bancaires qu'il faut payer ensuite il est dommage de ne pas demander un acompte sur salaire.

Parfois on ne pense pas à le faire, parfois on ne peut pas le faire. L'acompte sur salaire est un peu tabou en entreprise. Les gens ont du mal à aller taper à la porte de leur RH pour le demander. D'autant qu'il est parfois refusé pour des raisons « morales » ou pour limiter les traitements administratifs. C'est doublement dommage car il est légalement interdit de refuser une demande d'acompte sur salaire et qu'il existe aujourd'hui des solutions pratiques comme Rosaly pour le mettre en place dans son entreprise. 

Soyons créatifs !

Récemment quelqu'un me disait que les grandes innovations RH sont nées dans des moments de crise. Quand on manque de moyens, il faut être créatif. Il ne s'agit pas d'avoir beaucoup d'imagination mais d'être à l'écoute des besoins des équipes et d'essayer d'y répondre de manière pragmatique.

En matière de rémunération, il y a plein d'outils que l'on peut utiliser. Attention néanmoins à ne pas accumuler trop de retard sur les salaires. Comme je le disais plus tôt, on ne reviendra pas au prix d'avant. Si on ne fait pas évoluer les salaires, on remet juste le problème à plus tard tout en fragilisant les salarié·e·s. En ce qui concerne la rémunération, et les ressources humaines au sens large, ce que l'on fait compte autant que la manière de le faire.

Parce que la rémunération ce n’est pas qu’une question d’argent.

Découvrez notre checklist politique de rémunération