Economie sociale et solidaire et bien-être financier

Le point de vue de Gifts for Change, acteur de l'ESS, sur le bien-être financier des salariés

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L'équipe Rosaly
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Rémi Frémont est en charge de la gestion administrative, financière et des questions relatives aux Ressources Humaines chez Gifts for Change. Nous l’avons interrogé sur le bien-être financier dans les organisations de l'économie sociale et solidaire.

Peux-tu nous présenter brièvement Gifts for Change ?

Alexis Krycève a fondé Gifts for Change il y a 6 ans maintenant, après avoir été DG d’Alter Eco et co-fondé Pur Projet. Son truc, c'est de faire du business à impact et aider les entreprises à accélérer leur transition écologique et solidaire. Il a lancé en 2014 GFC avec un bracelet made in France permettant de lever des fonds pour des projets de reforestation. Puis, GFC a élargi son offre avec un catalogue d'objets promotionnels et cadeaux d’affaires écoresponsables, made in France, et philanthropiques : c’est le concept de l’Engagement Par l’Objet® (une solution qui permet aux entreprises de s’engager pour de grandes causes par le biais d’objets écoresponsables et philanthropiques). On monte également des opérations commerciales avec des grandes enseignes comme Micromania ou Cultura pour associer la vente d’objets à des causes environnementales ou sociales. Une partie de notre chiffre d’affaires (21 % en 2020) est ainsi reversée à nos partenaires associatifs (Rêve de Cinéma, Le Rire médecin, Panthera, ZupdeCo, 1001 Fontaines…). On essaie aussi de travailler avec de petites associations, pour que nos dons fassent vraiment la différence. Au-delà de ça, tous nos objets sont fabriqués en France et on travaille avec des ESAT qui emploient des ouvriers en situation de handicap.

Nous avons obtenu la certification B Corp depuis un an, et la qualité de société à mission fin 2020. L’année 2020 n’a pas été une année si mauvaise que ça sur le plan sociétal : on a encore augmenté notre part de reversement de CA à des associations. Il est passé en un an de 13 % à 21 % de notre CA.

Le bien-être financier de vos salariés, est-ce aussi un sujet qui compte ?

On est une entreprise assez jeune et une petite structure : 7 salariés dont 5 cadres. Mais c’est un volet qui est ouvert. L’an dernier par exemple, Alexis a ouvert la possibilité aux salariés qui ont plus d’un an d’ancienneté de contracter des BSCPE, bon de souscription au capital, donc je pense que l’envie est là. On défend des valeurs qui sont tout à fait compatibles avec le bien-être financier.

Et pour toi personnellement, qu’est-ce que ça évoque ?

C’est une notion très anglo-saxonne, peu ancrée en France. Si on le prend littéralement, c’est le fait d’être sécurisé financièrement. Mais ça peut être aussi pour un employeur la façon dont il incite un salarié à se sentir bien et à se donner les moyens de réussir personnellement et professionnellement. Concrètement, j’ai 10 ans d’expérience dans l’économie sociale et solidaire et le bien-être financier n’est pas une notion dont j’ai beaucoup entendu parler. En revanche, j’ai bénéficié de mesures qui allaient dans ce sens, comme les primes d’intéressement ou de plan d’épargne entreprise. Je pense d’ailleurs que ce sera la prochaine étape chez Gifts for Change si le contexte évolue favorablement

Et sur le bien-être de façon plus générale, comment ça se passe chez GFC ?

Actuellement, on a un rythme à 80 % en télétravail, avec du chômage partiel, donc c’est parfois compliqué de mettre des mesures en place. Dans notre esprit, le bien-être est fondamental. On n’hésite pas à équiper un salarié ou remplacer son ordinateur. On veut être à son écoute et lui donner les moyens de travailler dans de bonnes conditions. Je dirais qu’actuellement, il y a un terreau favorable, mais que nous sommes face à quelques freins extérieurs, dus grandement au contexte.
Le bien-être prend plus la forme d’un accompagnement informel que des mesures à proprement parler ?
Ça dépend de quoi on parle. En termes de mesures, avant mon arrivée, GFC avait déjà mis en place ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui; un plan mobilité : celui qui veut utiliser son vélo pour se rendre au travail se voit rembourser l’équivalent de la moitié du pass Navigo. Nous encourageons les pratiques écoresponsables et mettons nos salariés sur un pied d’égalité. Nous avons également mis en place une prime vélo de 100 € annuels pour équiper son vélo.

Le rôle de l’employeur, c'est de donner un salaire, est-ce que c’est aussi de faire l’éducation financière ?

Tout travail mérite salaire et il y a encore des employeurs qui l’oublient, surtout dans le secteur de l’économie sociale et solidaire, c’est un constat qui m’énerve beaucoup.

On passe énormément de temps au travail donc l’employeur est forcément présent et je pense que oui, il y a un rôle pédagogique et d’exemplarité à donner. Si l’employeur n’incite pas, les salariés ne vont pas forcément déclarer un besoin. C’est souvent le cas quand une équipe est jeune, avec des salariés pour qui c’est souvent le premier poste après leurs études et le bien-être financier n’est pas toujours un sujet qui y est abordé. Donc oui, l’employeur doit avoir un rôle pédagogique et ça passe par les incitations dont on parlait tout à l'heure en donnant, par exemple, des informations sur les plans d’épargne.

Pendant le premier confinement, j’ai ouvert un compte LITA, qui permet d’investir dans des entreprises à vocation sociale, sociétale ou environnementale. En tant que responsable administratif et financier, aussi en charge des questions RH, je dois parler de ce genre d’initiative pour ouvrir le champ des possibles aux salariés. Dans les pays anglo-saxons, les pratiques en la matière sont plus avancées et ça arrive peu à peu en France. L’arrivée des happiness manager dans les grosses entreprises en est une bonne illustration. Étant dans l’univers start-up depuis trois ans environ, je m’aperçois que ce genre de métiers n’existait pas avant. Chez Ashoka, où j’ai travaillé pendant 6 ans et qui est une ONG d’origine américaine, les discussions autour de ce type d’organisation du travail étaient plus naturelles et faciles, tout en étant difficiles à mettre en place, car on se confronte avec ces nouveaux concepts en France à une conduite du changement en entreprise.

Aujourd’hui, les Français qui arrivent sur le marché de l’emploi ont une demande forte à ce sujet et les employeurs doivent en tenir compte.

Que penses-tu du libre accès aux salaires ?

Ça ne m’est jamais arrivé qu’un salarié me fasse la demande d’un acompte sur salaire, mais je ne vois pas pourquoi je le refuserai, je crois d’ailleurs que c’est une obligation.
Le libre accès au salaire, c'est la définition même d’un acompte. Avant, dans le monde ouvrier, notre rémunération fonctionnait à la semaine et ça marche encore très bien de l’autre côté de la Manche dans certains secteurs d’activité, ça donne une flexibilité non négligeable. On sait que c’est parfois compliqué d’attendre la fin du mois quand il y a des imprévus financiers.

Ensuite, je prône la transparence dans la gestion et la gouvernance. Donc c’est important que les informations soient fluides et accessibles sur l’organisation et sur les mesures RH notamment. Une grille de salaires est par exemple un très bon outil. D’autant plus qu’en France, le salaire et l’argent de façon générale ont tendance à être des sujets tabous en entreprise ou ailleurs. Une grille permet une réelle transparence et les employés savent ce qu’ils peuvent demander ou pas à l’employeur.

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